ALLOCUTION de Philippe DECOBERT, Maire d’AIGLEMONT
à l’occasion de la pose d’une plaque
A LA MEMOIRE D’EDOUARD GUEURY, MORT POUR LA FRANCE
Mesdames et Messieurs,
Cette cérémonie qui nous réunit aujourd’hui 11 novembre 2017 est d’un caractère tout à fait exceptionnel. En effet, l’ajout sur un Monument aux Morts communal, du nom d’un héros oublié de la Grande Guerre est rarissime.
Pour que la vérité historique sur cette affaire quelque peu singulière soit rétablie, il aura fallu la réunion à la fois du hasard et de l’opiniâtreté de quelques passionnés d’histoire locale.
La chance s’est présentée lors de la mise en ligne sur internet, en 2014, à l’occasion de l’anniversaire de la guerre 14-18, d’un Livre d’Or établi par la Ministère des Pensions recensant la liste des Morts pour la France pour chaque commune de France.
La dite-liste comprenait les noms de tous les Aiglemontais inscrits sur ce Monument qui se dresse depuis 1920, plus un inconnu : Toussaint, Eugène, Edouard GUEURY.
Pour quelles obscures raisons Edouard Gueury, de parents aiglemontais, né à Aiglemont le 13 juillet 1877, n’a-t-il pas été honoré dans son propre village par l’inscription de son nom sur le Monument communal ? Pourquoi, en revanche, a-t-il été considéré comme un héros dans la cité voisine et amie de Montcy-Notre-Dame ? On peut lire en effet son nom inscrit en lettres d’or sur le Monument aux morts montcéen.
L’explication réside sans doute dans le fait qu’à l’époque, les communes concernées ont librement choisi l’une, Montcy, de reconnaitre comme l’un des siens Edouard Gueury un homme établi sur son territoire depuis son mariage en 1913 avec une Montcéenne et l’autre, Aiglemont, d’ignorer, involontairement ou non le sacrifice d’un de ses enfants.
Reste que la loi du 25 octobre 1919 stipule que rien ne s’oppose à ce qu’un nom figure « à la fois sur le Livre d’Or du lieu de naissance et sur celui du lieu de la résidence habituelle du défunt ».
Ce principe, édicté moins d’un an après l’Armistice, nous autorise aujourd’hui à penser que notre décision d’inscrire sur ce monument le nom de Toussaint, Eugène, Edouard GUEURY est pleinement justifiée.
Car Edouard est un authentique enfant du pays puisqu’il a vu le jour au village en 1877, précisément le 13 juillet. Fils de Joseph Jean-Baptiste Gueury, employé, et de Marie Adèle Roynette, sans profession, demeurant tous deux à Aiglemont, il est le petit-fils de Toussaint Désiré Gueury, ferronnier et de Jean Nicolas Victor Roynette cantonnier chef, demeurant, eux aussi, à Aiglemont. Peut-on trouver plus aiglemontais qu’Edouard Gueury ?
Le petit Edouard a 5 ans en 1882 quand son père meurt jeune, à l’âge de 31 ans.
A 20 ans, alors encore domicilié à Aiglemont, il choisit le métier des armes.
Engagé volontaire en 1898 pour le 1er Régiment d’Infanterie de Marine, il suit ensuite un parcours militaire atypique. Notre compatriote fait successivement les campagnes du Tonkin de 1900 à 1903, puis de Madagascar de 1905 à 1909, et de la Cochinchine jusqu’en1912.
En 1913, quand il est admis à faire valoir ses droits à une retraite proportionnelle avec le grade de sergent, il revient au pays pour se marier avec Marie Eugénie Bouché, journalière originaire de Montcy-Notre-Dame. Le couple s’installe au 29, rue du Pont.
Son livret militaire signale qu’il demeure à Montcy lorsqu’éclate la guerre en août 1914.
A la mobilisation, il est affecté au 16ème régiment d’infanterie territoriale. En 1915, il est évacué du front pour maladie.
Le 20 janvier 1918, il décède à l’hôpital complémentaire 67 de Bligny, en Seine et Oise, d’une tuberculose pulmonaire.
Soigné dans un établissement réputé pour accueillir les soldats gazés au front. Son calvaire aura duré 3 ans.
Il est bien hasardeux d’avancer les raisons qui ont privé depuis un siècle Edouard Gueury de recevoir dans son village natal l’hommage auquel il a droit de la part des Anciens combattants, des élus ou des habitants. Les témoins ont disparu et on ne refait pas l’Histoire.
De la même façon qu’il serait inconvenant de prétendre que Toussaint, Eugène, Edouard Gueury n’a pas sa place sur cette stèle.
Reconnaissons donc aujourd’hui en Edouard Gueury, notre concitoyen héros, Mort pour la France. Qu’il entre officiellement ce jour dans notre modeste Panthéon et qu’il ne soit jamais plus oublié.